A l'origine
Le
« vin breton » était connu en Grande-Bretagne, avant même
l’émigration vers nos côtes des bretons (habitants de la Britania ou Angleterre
actuelle) fuyant les saxons. Les vies de Saint Colomban et de Culom-Kill
(citées par Quilgars) montrent qu’au V e et VI e siècle,
des navires de petits ports situés à l’embouchure de la Loire en transportaient
en Irlande et aux îles anglaises.
Le
cartulaire de l’abbaye Saint- Sauveur de Redon nous donne divers renseignements
sur la région guérandaise au IX e – X e siècle. Il cite des vignes reçues en don ou acquises
par l’abbaye. ERISPOE, Roi de Bretagne, puis son successeur SALOMON donnent
quelques sillons de leur « vin de Piriac », élevé sur la terre de
« Grandbudgen » en Piriac, aux moines de Redon. En 945, Alain Barbe
Torte offre aux religieux de Landévennec ses dîmes sur le vin de Batz (de
Congor).
Les
nombreux privilèges accordés à la Cité de Guérande par les ducs consacrent son
importance. Elle peut ainsi lever des taxes régulières sur le vin (les
billots).
Du moyen-âge à la révolution
En
fin du XII e et début du XIII e, Guérande commence à
s’ouvrir au trafic roulier du vin entre l’Aquitaine et l’Angleterre. Les
viticulteurs se sont constitués une flottille de petits bateaux utilisés pour
le cabotage, mais également pour le
commerce du sel.
Les
navires sortent à partir de 2 principaux
points d’embarquement : Congor et Sissable
(le cadastre de 1819 porte encore pour ce lieu le toponyme de
« port au vin »). De là, les embarcations remontent par les étiers
vers le traict et la mer.
En
1407, Jean V offrit à l’anglais Crafford, Capitaine d’Auray, une pipe de
« vin d’aunis », comme d’une chose fort goûtée. Ce crû poussait sur
le coteau de Queniquen. Le « vin de Piriac » et celui de
« Pornichet » étaient aussi renommés. Les meilleurs
« clos » guérandais étaient : le Marsillé, Le clos St Aubin, le
clos de la Motte, Congor, le Rignac, Tesson, Clis, St André des eaux et
Pornichet.
C’est
au moyen âge, entre le XIV e et le XV e siècle que la
culture de la vigne prit une grande intensité. A cette époque, le coteau est
marqué par un paysage de « clos », dont les noms subsistent encore
sur la commune en de multiples lieux-dits, témoignage indiscutable de
l’importance qu’avait la vigne à l’époque, sur ce secteur. Cette culture de la
vigne est surtout menée dans le cadre de seigneuries, mais aussi dans le cadre
d’exploitations roturières associant souvent divers types de cultures (terres
labourables, vignes, salines, …) L’exploitation viticole était commandée par 2
formes de statuts : les vignes à domaines, et les vignes à complant.
Au
vue de l’importance de sa flotte et de son trafic commercial, Guérande devient
l’un des ports les plus actifs et les plus riches de Bretagne. Elle dirige plus
d’1/3 de ses exportations de vins vers Nantes, et environ 14% vers Redon et la
Vilaine. Le reste, chargé sur des navires guérandais et bretons, gagne les
ports bretons, français ou étrangers. A Exeter, Dartmouth, Plymouth, la moitié
des unités bretonnes est guérandaise au XV
e siècle.
La
flotte guérandaise s’intègre aussi dans les circuits du grand commerce du vin.
En 1372, près de 40% des navires bretons qui assurent le transport de vin entre
Bordeaux et l’Angleterre sont armés à Guérande. L’espace commercial de Guérande
s’étend de la péninsule ibérique à la mer du Nord. Il atteint même l’Ecosse et
l’Irlande dans la seconde moitié du XV e siècle.
Ainsi,
deux productions commerciales, le vin et surtout le sel, fondent la richesse de
Guérande. Sa flotte lui assure sa grandeur.
Les navires
armés par la ville arboraient le drapeau de Guérande, ressemblant à celui de
Québec : une croix noire sur fond blanc, avec une moucheture d’hermines
dans chaque quartier
Pourtant,
au tournant du XVI e siècle,
Guérande perd sa puissance maritime. A Bordeaux, en 1482 – 1483, elle ne
possède plus que 6 des 185 navires bretons venus à la saison des vendanges.
Ensuite, on ne trouve plus trace des guérandais dans les contrats d’affrètement
dressés par les notaires bordelais.
L’ensablement de ses sites portuaires et
l’affaiblissement du sel comme monnaie d’échange, font perdre à Guérande sa
puissance maritime, au profit du Croisic et du Pouliguen qui reprennent modestement le relais de son
commerce international.
Après
une période de stagnation au cours du XVI e et XVII e siècle, le vignoble
guérandais subit la crise qui affecta l’ensemble du vignoble nantais au cours
de la seconde moitié du XVIII e siècle. La Bretagne consomme de plus
en plus de cidre. L’Aunis, le Saintonge et le Bordelais produisaient alors des
vins de qualité supérieure, appréciés par la noblesse et la bourgeoisie aisée.
La
population de Guérande diminue après 1780, contrairement à ce qui se passe dans
le pays nantais. La ville et l’ensemble de la presqu’île sont touchés par la
récession économique : le vignoble est en recul.
Des
décrets de Colbert qui détestait les bretons, anéantirent ou réduisirent
quelques unes de nos industries locales (ex : contre le « vin
breton » : le 9 septembre 1687, le Conseil du Roi arrêtait :
« Défense de planter dorénavant des vignes en Bretagne pour le tort que
cette culture peut faire à d’autres provinces »). Désormais, les cépages
ne pouvaient se renouveler.
Enfin, une
succession d’hivers très rudes, tel celui de 1709, porte un coup terrible aux
vignes guérandaises. Les souches gèlent sur place. Il faut progressivement
replanter.
Les temps modernes
Au
XIX e siècle le coteau guérandais est pourtant couvert d’une grande
quantité de vignes, mais le vin produit n’y semble pas d’une qualité
remarquable.
Selon
Morlent (Précis historique sur Le Croisic et Guérande – 1819), « Escoublac, St Molf et quelques autres
lieux récoltent des vins les plus âpres et les plus verts du Royaume. Piriac,
et surtout le coteau de Guérande jusqu’à Beslon, méritent une mention plus
honorable. Leurs vins jouissent d’une juste réputation. »
Edouard
Richer (Voyage pittoresque – 1823), traite ces crus avec plus de mépris : « Le coteau de Guérande est couvert
d’une grande quantité de vignobles, mais le vin y est de mauvaise qualité,
malfaisant même ; malgré les prétentions des propriétaires qui le
présentent comme le meilleur du département, et égalent celui qu’ils appellent
Congor au vins de Bordeaux ! Ce sont des vins blancs. Guérande est sur la
limite de la carte œnologique de France. »
A
cette époque, contrairement aux usages anciens, le haut du coteau est réservé
aux prairies, et les vignes sont implantées sur le piémont. Elles commencent à
la base des anciens vignobles, et rejoignent pour certaines, le bord des marais
salants.
Ce choix d’implantation ne contribue pas à la
qualité de la production. Mais celle-ci est destinée à la consommation
familiale et aux buvettes de la région.
A la fin du XIXème siècle la surface du vignoble
guérandais est à son apogée (plus de 1000 ha sur l’ensemble du coteau, dont
environ 400 ha sur Guérande) ; mais l’arrivée du phylloxera porte un coup
fatal au vieux vignoble. Cette terrible maladie de la vigne va détruire la
quasi-totalité des pieds.
Il faut renouveler le vignoble, et pour cela, le choix se porte sur des nouvelles variétés « hybrides » résistantes aux maladies. Ce ré encépagement se fait au détriment des anciennes variétés dites « nobles » qui vont disparaître progressivement.
Le XXème siècle débute avec un vignoble guérandais
en pleine reconstruction. En 1914, seulement 16 ha de vignes sont recensés sur
l’ensemble de la Presqu’île. Pourtant, en un demi-siècle, le vignoble va
progressivement se reconstituer pour atteindre près de 500 ha à la fin des
années 1950.
La quasi totalité des vignes est plantée en cépages
« hybrides ». Pas moins de 70 variétés sont répertoriées au cadastre. Les variétés
les plus répandues sont, en rouge, le Seibel 70-53, le 54-55, le 46-43 (le
« Roi des noirs »), le Gaillard 157, le Seyve Villard 18315 ; en
blanc : le Noah, l’Othello,
…Quelques cépages « nobles » subsistent : le Colombard, la Folle
blanche (gros-plant) et le Groleau.
Mais les
techniques d’assemblage sont mal maîtrisées par nos viticulteurs. La nouvelle
réglementation pénalise la plantation de cépages hybrides, et les AOC ont
été instituées ...
Le déclin du vignoble guérandais s’avère
inéluctable.
En 1992, une étude est établie pour le compte
du SIVOM de l’époque. Pour la seule commune de Guérande, elle recense 19 ha
plantés de vignes, et 95 propriétaires dont la moyenne d’âge est de 63 ans.
En 2007, la surface en vignobles ne représente plus
que 3 ha pour seulement 21 déclarants.